Le début de l'histoire.
Comment ce français né à Montmartre en 1933 arrive-t-il aux Etats-Unis ?
1945, Henri Dauman se retrouve seul à la fin de la seconde guerre mondiale. Rejoignant le seul membre vivant de cette famille décimée par les camps, il débarque à New York le 14 décembre 1950.
L'énergie, le fourmillement de la ville l'enthousiasment et l'inspirent. On ne peut s'empêcher de voir dans ses images, le regard étonné, parfois même moqueur de l'étranger tiraillé entre le désir de l'«American Dream» et toute la démesure de cette société.
« Looking up », c'est en regardant vers le haut qu'Henri Dauman développe une série d'images sur l'architecture américaine, série récemment acquise par le Museum Of Modern Art de New York.
Comme un petit français convoitant un avenir doré, il scrute les cieux, encadré par d'imposants gratte-ciels dont la grandeur l'effraie autant qu'elle le fascine. Il saisit la restructuration de la ville lors des grands travaux de 1963.
MANHATTAN
LA NOUVELLE VIE
HENRI DAUMAN
LE TÉMOIN
The 60's & 70's : LA MUTATION SOCIALE
Le portrait que dresse Henri Dauman de l’Amérique apparaît comme un monstre bicéphale.
Établie dans le confort de l'après-guerre, la petite bourgeoisie new-yorkaise se repose à Miami où d’improbables coiffures viennent couronner des corps cuits et recuits par les rayons du soleil. Pendant ce temps la désinvolture d’une jeunesse décomplexée s'affiche dans les rues de la « Grosse Pomme ».
L’Amérique voit naître ses « teens ». Nouvelle frange de la population, vivante et contestataire, les teenagers trouvent une place entre l’enfant et l’adulte. Ils définissent leurs propres codes, inventent leur propre langage et leur mode de consommation.
Plus tardivement, pour Life, Henri Dauman va dresser le portrait d'une autre jeunesse : «The Savage Nomads Gang». Dans le Bronx des années 1970, une autre jeunesse apparait: «The Savage Nomads Gang». Loin du puritanisme protestant, ils imposent leur propre contre-culture rejetant les clichés édulcorés de « West Side Story ». Les exclus du modèle américain se font entendre.
La ségrégation et les manifestations pour les droits civiques, les premiers mouvements féministes, la photographie ne peut éviter de rendre compte de ces mutations profondes.
L'ART
DU PORTRAIT
La face cachée
Pendant la décennie 1960, Henri Dauman fait du portrait de personnalités l'une de ses marques de fabrique.
Protégeant ses modèles dans une mise en scène apaisante, il ne les met pas moins en danger, ne saisissant d’eux qu’un moment d’intimité unique.
De ce tête-à-tête privilégié, il tire souvent de ces fantasmes vivants une part sombre révélée par une vision organisée. Plan serré au maximum, le modèle est pris de front ; il se livre alors et son regard le dévoile.
Tout est histoire de dosage entre abandon et maîtrise de soi. De sa longue carrière, Henri Dauman aura collecté plusieurs centaines de portraits, une galerie impressionnante, de Paris à Hollywood.
Il jongle avec aisance entre le dos de Brigitte Bardot, le visage juvénile d'Alain Delon et le regard étonnamment tendre de Godard.
Les yeux: toute la science du photographe se trouve là.
Henri Dauman donne à voir ce que l’on attend de ces personnages ou leur extrême opposé, leur moi profond, les faces complémentaires de la vérité et du paraître.
FABRICANT D'ICÔNES
L'age d'or des magazines de LIFE au New York Times
L'archive Dauman nous replonge plusieurs décennies en arrière pendant l'âge d'or des grands magazines américains. Dans les années 1960, le tirage de «Life Magazine» explose jusqu’à 8 millions et demi d'exemplaires. Alors collaborateur régulier du staff, Henri Dauman couvre tous les événements politiques et médiatiques de l'époque.
L'ère est à la fabrication de la belle image. Le cliché supplante le mot et devient le cœur de l'information. Mais comment ne pas prendre une photographie réussie de Marylin Monroe ou d'Elvis Presley ?
Dans la course au scoop et à l’instantané, la prouesse consiste à se démarquer. Cadrages astucieux, angles novateurs, approches créatives, c'est dans la technique photographique que se trouve la clé. Pour les dizaines de photojournalistes, au coude à coude, dans la concurrence permanente, une prise de vue réussie se trouve rarement dans le sujet, mais dans l'approche.
L'interstice de créativité est restreint et le champ de liberté limité.
Tout l'intérêt de la collection d'Henri Dauman réside dans cette performance. Assurément, le photojournaliste, toujours en éveil, possède une vision l’autorisant à transformer une prise de vue a priori banale. Fabricant d’ «icônes», il perd de ce fait le statut de photojournaliste pour acquérir celui de photographe.
LE MOMENTUM
Les images qui bougent
La priorité est de raconter des histoires. Les séquences, ces suites d’images sont le compromis idéal entre image fixe et cinéma.
Destinée à la publication, la photographie en mouvement prend son sens dans sa forme et se révèle à la mise en page. Elle se construit comme une combinaison minutée, un montage astucieux voire un désir de produire des sensations. On frémit, on compatit, on pourrait même entendre des sons, quelques notes de musique. Être au plus près du réel, rapporter le fait de la façon la plus juste possible.
Les possibilités techniques autorisées par l'appareil photographique n’ont jamais effrayé Henri Dauman. Lors des funérailles de JFK, il aborde le virage de la couleur tout en déchiffrant immédiatement la valeur ajoutée qu'elle apporte à ses images, autant que ses pièges. Le cortège funéraire dans les rues de Washington, avec ses aplats de couleur, prend l'importance d'une peinture d’histoire.
Il envisage la mise en page dès la prise de vue. Effets visuels, formes maîtrisées, jeux d'ombres, la photographie lui ouvre un champ d'expérimentations infini.
Clairement influencé par le Pop'art, son traitement de la couleur est celui d’une époque. La simplicité de la construction de l’image et le minimalisme produisent des clichés d’une efficacité étonnante.